ワン

janvier 1, 2013

ワン (“Wan”) écrit en katakana est en quelque sorte la traduction en japonais du mot anglais “one” qui signifie “un”. Un mot approprié pour le premier article et le premier jour de l’année : bonne année 2013 !

Lors de conversations récentes je me suis rendu compte que mes descriptions véhémentes des difficultés du japonais donnaient l’impression que je n’aimais pas ce langage. Je me permet de corriger cela : je ne nourris pas particulièrement (trop) de sentiments acrimonieux pour cette langue. Dans une optique plus positive je vais essayer de présenter quelques mots japonais que j’aime bien.

ワン peut être utilisé comme préfixe pour faire des mots. ワンピース (de “one piece”) désigne un vêtement “une pièce”. C’est aussi le nom d’un manga célèbre, mais dans ce cas là cela désigne un trésor. On a déjà vu que ワンルーム (de “one room”) désigne un studio.

ワンマン ou ワンマン電車 (de “one man” et les kanjis pour “train”) désigne un train qui n’est opéré que par une seule personne. Je ne connais pas le vocabulaire pour les trains français, ni ne sait dans quelle mesure il est transposable à la situation japonaise, mais grosso-modo il y a juste un conducteur, mais pas de chef de train ni de contrôleurs. On les rencontre souvent sur les petites lignes locale, des petits trains fait de seulement deux voitures, comme ici sur la Oitosen qui permet notamment de relier la ville de Matsumoto à la station de ski de Hakuba.

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Comme ces trains desservent des gares qui ne sont pas plus que de simple quais (sans employés ni distributeurs automatiques de tickets), ils peuvent s’utiliser à la manière des bus de campagnes : on prend un ticket en montant dans le train, et on règle en descendant. Pour cette raison on ne peut sortir que par la porte la plus en avant du train.

ワン est aussi connu au Japon pour être le son qui d’un aboiement (“ouaf”). Les chiens font donc ワンワン (wanwan), et par extension ワンちゃん (wan-chan, litt. Miss Ouaf) est une façon un peu enfantine de désigner un chien (comme un dirait “un ouaf” en français). Dans ce cas l’origine n’est pas le mot anglais “one” (sauf à considérer que le chien est le n°1 ami de l’homme), il s’agit simplement d’une onomatopée. Mais il vaut mieux ne pas ouvrir la boîte de pandore des onomatopées japonaises sous peine de perdre notre bel optimisme !

Tout ce qui brille (n’est pas or)

décembre 7, 2012
De Kinpu-san

J’ai un étrange pressentiment, c’est comme si je n’allais plus jamais le revoir…
– Han Solo

Ne serait-ce la foule, qui rappelle la gare de Shinjuku à l’heure de pointe (il est surprenant que personne ne soit tombé dans le précipice à nos pieds dans la bousculade), c’est l’endroit rêvé pour un pique-nique. Le soleil nous apporte tout juste assez de chaleur pour rendre la fraîcheur de début novembre agréable, le paysage est enchanteur. Plus bas les arbres sont habillés de leurs couleurs d’automne. Plus haut les montagnes ont déjà revêtu leur fin manteau de neige.

J’ai une impression de sortie des classes, avant les grandes vacances : le moment où l’on dit “au revoir” alors qu’il faudrait dire “adieu”. Je me suis trop souvent fait avoir, alors cette fois-ci, je profite du paysage au sommet du Mizugaki-yama (瑞牆山, 2230m) pour verser un petit peu dans l’émotion.

Tout proche le Kinpu-san (金峰山, Mont doré, 2599m) où j’étais dans la matinée. Une marche agréable commencée dans un jardin d’aiguilles de glaces plantées par le froid du matin. Hier l’arrivée en voiture jusqu’au parking était complètement irréelle : sous une voûte d’arbres penchés comme dans Sleepy Hollow, renards et tanukis fuyaient devant les phares, tandis que des cerfs aux bois splendides déambulaient dans les algecos abandonnés d’un chantier de construction.

Au nord-ouest le Yatsugatake, que j’ai encore un peu de mal à reconnaître quand la visibilité est supérieure à 5 mètres. Puis juste à gauche, tout au loin à l’est, le Ondake-san (御嶽山, 3067m), qui a la particularité d’être le deuxième volcan le plus élevé du Japon : déjà couvert de neige, ce ne sera pas pour cette année non plus… Il faut dire que l’accès depuis Tokyo n’est pas si pratique.

Viennent ensuite les alpes du sud, Kaikomagatake et Senjogatake, Kitadake et Ainodake enneigés avec en ombre chinoise le Houou-san. Quelques heures de randonnée dans ce massif en forme d’escargot valent bien leur pesant de calories brûlées.

Finalement au sud, inévitable, le Fuji-san dresse ses pentes majestueuses au dessus des nuages. Le Fuji-san, je ne l’aimais pas tellement au premier abord. Trop lisse, trop régulier. Mais bon à force de le voir (et ces deux dernières années qu’est-ce que j’ai pu le voir !) on finit par s’attacher. Alors du coup camarade Fuji, est-ce un au revoir où un adieu ?

Il suffit de passer le pont…

novembre 10, 2012
De ShikokuHyakumeizan

Grand pont de Seto (瀬戸大橋)
Il ne s’agit pas d’un pont, mais d’une série de ponts, que nous traversons dans la nuit. Nous ne voyons que la base des piles dans la lumières des phares, et essayons de deviner lesquels sont les plus longs. Il faut dire qu’il y a du beau monde, avec entre autre (source wikipedia):
– Shimotsui Seto Ohashi (下津井瀬戸大橋) avec une portée principale de 940 mètres (28ème mondiale)
– Kita Bisan-Seto Ohashi (北備讃瀬戸大橋) avec une portée principale de 990 mètres (25ème mondiale)
– Minami Bisan-Seto Ohashi (南備讃瀬戸大橋) qui est dans la continuité du précédent, mais avec une portée principale un peu plus importante encore de 1100 mètres (16ème mondiale)

Ces trois grands ponts sont complétés par d’autres pont et viaducs pour constituer ce qui fut, en 1988, la première liaison pour automobiles entre Honshu, la plus grande île du Japon, et Shikoku, la plus petite des quatre îles principales.

Avant cela, pour se rendre à Shikoku, on devait emprunter le ferry. Cette isolation est sûrement la cause de la réputation de ruralité et de calme de l’île. L’île est également le théâtre du plus célèbre pèlerinage du Japon : une visite de 88 temples bouddhiques qui nécessite de faire le tour de l’île et plus de mille kilomètres de marche sur les traces de Kobo Daichi. J’ai l’impression que ces deux attributs en font, dans l’imaginaire japonais, un endroit où se retrouver.

En complément d’une visite à Hiroshima, nous sommes plutôt venus là pour nous perdre loin de la mégapole. C’est réussi ! Il nous faut nous reposer intégralement sur la sagacité de notre GPS pour enfin arriver, à minuit, au départ du chemin de randonnée vers le Ishizuchi-yama (石鎚山, 1982 mètres), plus haute montagne de l’île, une autre des cents montagnes du Japon. Nous n’utiliserons pas le téléphérique, nous évitons donc les parkings à proximité qui arborent tous ostensiblement des signes “parking payant”, et trouvons un peu plus haut une place où nous arrêter.

Las ! Le lendemain matin, alors que nous nous préparons, vers 6 heures donc, une aimable grand-mère cherche à nous parler. Que peut bien nous vouloir une grand-mère à 6 heures du matin, telle est la question qui flotte dans mon esprit encore assoupi…
– “Je suis désolée, mais c’est un parking payant. 500 yens s’il vous plaît.”

Il me faut du temps pour réaliser que je suis en train de me faire racketter par une grand-mère en pleine montagne. Je rassemble mes esprits et suis sur le point de rétorquer que je ne vais pas payer parce que ce n’est écrit nulle part quand mon regard tombe sur les caractères fatidiques écrits au feutre indélébile sur une planche de contreplaqué aux couleurs passées. Il ne nous reste plus qu’à payer : après tout nous contribuons à l’économie (la mafia ?) locale.

La randonnée est pour nous l’occasion de voir nos premières feuilles d’automne de la saison, les couleurs changeant plus rapidement en altitude. Le paysage est à la fois magnifique et un peu dépaysant : mais où est donc passé le mont Fuji ? Au sommet et sur le chemin qui va du sommet au téléphérique il y a foule. Des files d’attente se forment aux passages délicats chaînés, mais ces passages peuvent en fait être contournés, ce que nous nous empressons de faire ! Passé le téléphérique nous nous retrouvons seuls. Le chemin qui descend par le fond de la vallée est intéressant car il longe une rivière de montagne au cours enchanteur. Nous y retrouvons quelques pêcheurs courageux. Seule la crainte d’arriver en retard au ryokan nous retient de piquer une tête.

Les ponts des époux : de l’homme (男橋) et de la femme (女橋)
La vallée de Iya (祖谷渓) est connue comme étant l’un des endroits les plus retirés du Japon. Pour cette raison, les guerriers défaits du clan des Taira s’y seraient cachés après leur défaite face au clan Minamoto au XIIème siècle. Une vallée très encaissée couverte d’une forêt épaisse, qui dans le crépuscule prend des aspects enchanteurs.

Était-ce vraiment nécessaire d’installer ici un Manneken Pis ? Non, nous ne nous arrêtons pas au Manneken Pis, mais continuons sur la petite route à voix unique qui s’accroche tant bien que mal au flanc de la montagne. Le ryokan lui même est une sorte de nid d’aigle à l’architecture un peu déboussolante au premier abord (l’entrée est située au troisième étage). Les chambres ont vue sur la vallée, mais le plus amusant est d’aller aux sources d’eau chaude en extérieur : elles sont situées en bas, à proximité de la rivière, et il faut pour s’y rendre emprunter un funiculaire !

Il se raconte que l’origine des ponts de liane remonterait à l’exil des guerriers Taira. Les ponts en liane sont facilement coupés, privant l’accès aux ennemis. Même si ils sont fait en lianes, ces ponts ne sont pas des ponts de singes : des planches sont attachées aux lianes, ils sont donc tout à fait praticables. Ils furent d’ailleurs longtemps utilisés dans la vie quotidienne de la vallée. A l’époque du tourisme de masse, il ne sont pas moins importants, mais contribuent d’une façon différente à la prospérité de la vallée.

Plutôt que le relativement accessible Kazura Bashi (かずら橋), nous avons préféré les deux pont situés dans le fond de la vallée et qui sont surnommés les ponts des époux. D’abord parce que nous étions seuls, à part le vendeur de billets à demi assoupi dans sa cahute. Mais également pour leur situation recluse : au Kazura-bashi, il est difficile de prendre une photo sans avoir soit le parking soit le magasin de souvenirs. Et finalement, à côté des deux ponts se trouve un dispositif appelé “Yaen”, un petit chariot suspendu à un câble qui permettait de faire circuler hommes et marchandises et qui sert maintenant d’attraction pour (grands) enfants.

Une grande partie de mes inquiétudes quand à la traversée de ces ponts a été dissipée par le fait que la structure porteuse n’est maintenant plus faite en lianes (qui ne sont plus là que pour la décoration), mais en filins en acier autrement plus robustes (et habillement dissimulés). Néanmoins, il paraîtrait que certaines personnes peuvent éprouver des difficultés en voyant dans le jour entre les planches le fond de la vallée quelques dizaines de mètres plus bas.

Mais c’est aujourd’hui mon anniversaire. Selon la longue tradition commencée l’année dernière, je décide de le passer au sommet d’une des cents montagnes célèbre du Japon : le Tsurugi-san (剣山, 1954 mètres, à ne pas confondre avec le célèbre Tsurugi-dake dans les Alpes du Nord). D’autant plus qu’il faut absolument que j’essaye en situation réelle mon cadeau, un T-Shirt en mérino manche longues avec col zippé de Chocolate Fish. Oui, le même que cjw, et vraisemblablement le premier objet manufacturé en Nouvelle-Zélande que je possède.

Il y a moins de 550 mètres de dénivelé depuis le parking, et il fait frais : la montée est bouclée en 40 minutes, la descente en 20. Le sommet ne me fait pas tant penser à une épée (tsurugi signifie épée en japonais) que au sommet plutôt arrondi du Puy Marie.

Le sommet est couvert d’antennes de retransmission et de refuges/restaurants : ce n’est pas ici la nature sauvage. Néanmoins j’ai beaucoup apprécié les chemins de marche sous les feuilles d’automne. En particulier j’ai apprécié qu’il y ait moins d’escaliers que, par exemple, au Ishiduchi-yama la veille.

Grand pont du détroit d’Akashi (明石海峡大橋)
Ce pont n’a rien moins que la plus grande portée principale du monde, 1991 mètres, depuis son inauguration en 1998. Une portée plus grande que prévu : ce pont permet de rejoindre sur Honshu la ville de Kobe, le tremblement de terre de 1995 qui a frappé cette dernière a aussi écarté de un mètre les piles du pont alors en construction !

En plus, cette fois-ci, nous sommes arrivés quand il faisait encore jour. En roulant au ralenti, au moment du coucher du soleil, nous avons pu profiter d’une vue grandiose sur la mer intérieure, avant de continuer sur l’autoroute en direction de Kobe et de ses fameux steaks de boeuf.